Histoire(s) de cinéma et de copyleft
[ARCHIVE] Cet article a été initialement publié le 16/12/2008 sur le site kassandre.org, il est reproduit ici pour archive suite à la fin d'activité du collectif Kassandre en Juillet 2012.
Le collectif Kassandre s'est créé en novembre 2008 pour réunir des cinéastes et vidéastes ayant fait le choix de partager librement leurs créations, considérant que le partage de la création n'est pas seulement une pratique de notre époque, mais mieux, un intérêt pour celle-ci.
Ce n'est désormais un mystère pour personne ; la société toute entière s'est saisie du numérique et des réseaux comme opportunité de partage et d'échange, y compris parmis ceux qui publiquement s'y opposent. Et ainsi, la vraie bêtise de la loi Hadopi aura été de vouloir forcer la norme par la loi alors que dans ce cas et bien d'autres le législateur aurait été bien inspiré d'écrire la loi en se référant à la norme, à la pratique.
De plus en plus de créateurs de contenus choisissent les licences libres (copyleft, comme la licence Art-Libre) et les licences de libre diffusion (certaines licences Creative Commons) pour protéger leurs droits d'auteurs tout en permettant la libre diffusion de leurs créations.
Et parmis eux des cinéastes et vidéastes, Par évidence, on nommera ce mouvement "cinéma libre" (pas seulement parce que l'association de ces deux mots est effectivement ravissante..).
Le cinéma libre, et par extension toute la création sous Copyleft, c'est l'ajustement du droit d'auteur en intelligence avec le numérique et les pratiques introduites par celui-ci.
Le Copyleft propose un contrat par lequel l'auteur s'entend avec le public sur des libertés de partage et de ré-utilisation, et sur les conditions de celles-ci.
Concrètement, cela signifie que l'auteur d'une œuvre, donne d'avance au public des droits concernant l'utilisation de son œuvre : au minimum le droit de copie et de redistribution (certaines licences Creative Commons restrictives) et au mieux le droit de transformer l'œuvre pour créer une œuvre dérivée, et même le droit d'utilisation commerciale.
Ceci dans le respect des droits des auteurs, car ceux-ci ne sont pas oubliés, non seulement ils sont explicitement cités, mais ils sont protégés de l'emprise propriétaire définitive. Un film sous copyleft par exemple, ne peut pas être copyrighté, il reste toujours libre.
Le copyleft aurait ainsi sans doute été utile à tous les auteurs qui se battent aujourd'hui pour récupérer leurs droits sur le propres œuvres ( Pierre Etaix, les Poppys, et tant d'autres..)
Le cinéma libre embrasse plusieurs enjeux ; l'enjeu économique certes, mais surtout ceux de la démocratisation de l'accès à la culture, et de la diversité culturelle.
L'enjeu économique :
Celui-ci est naturellement au centre de nos préoccupations, et le collectif Kassandre se veut dans ce sens explorateur et laboratoire. Si à l'évidence les modèles économiques ne sont pas installés - ce qui nécessite donc que ces domaines soit 'explorés' - il est quand même surprenant de voir qu'aucun producteur ne soit suffisamment clairvoyant pour se saisir du modèle propulsé par le groupe de musique Nine Inch Nails, Rappel de la petite histoire : en froid avec sa Major NiN claque la porte et décide de sortir un album sous licence Creative Commons, L'album est donc disponible en téléchargement libre et peut-être commandé en ligne sous forme de fichiers non compressés ou de disques en édition limitée. Ainsi, NiN prouve aussi que la libre diffusion n’est pas incompatible avec un certain type de commerce, et en fait plutôt une belle démonstration puisque l'album en question devient l'album le plus vendu de l'année sur Amazon et va rapporter au groupe 1,6 millions de dollars en une semaine.
La recette de NiN peut non seulement être appliquée en l'état, mais rappelle surtout que parfois, être simplement créatif est la meilleure voie. De quoi relativiser par rapport à cette crise du disque tellement ridicule que HBO va en faire un film (à n'en pas douter cela sera une comédie).
Toute exploration de l'enjeu économique ne saurait qu'être au service de ces deux autres enjeux : la démocratisation de l'accès à la culture, et la diversité culturelle.
Diversité culturelle :
L’industrie musicale a connu une époque faste à la fin des années 80 et au début des années 90, puis les Majors ont délibérément concentré leurs moyens marketing sur un tout petit nombre de valeurs sûres -produire mois d'artistes pour plus de profits- et c'est alors qu'a commencé le dessèchement de la diversité culturelle, jusqu'à atteindre un sommet pendant l'année 2008 où le nombre de nouveaux contrats signés par les maisons de disques (69) a été pour la première fois inférieur au nombre de résiliations (84). Ceci avec la complicité des radios qui peuvent diffuser un titre 15 fois par jour sur la même antenne.
Si Internet fait de l'ombre à cette industrie, c'est bien parce que celle-ci s'obstine à ne pas répondre à un vrai besoin de diversité, et alors qu'Internet y répond de façon évidente elle aura bien du mal à forcer la main du cinéphile ou du mélomane, en dépit de son lobbying permanent mais inefficace (Dadvsi, Hadopi, amendement 138..).
Plus grave que la crise du disque, la crise de la diversité culturelle trouve une voie de sortie dans l'utilisation d'Internet et des Licences Libres.
Démocratisation de l'accès à la culture :
Qu'il s'agisse du Faire ou du Recevoir, le numérique et les réseaux aura indéniablement ouvert le chemin d'une réelle démocratisation de l'accès à la culture.
Le problème qui demeure est cette idée saugrenue de vouloir faire coexister la facilité technique du partage et son interdiction légale.
En ce sens les licences libres constituent une solution viable et juridiquement sécurisée pour permettre le partage de toutes les créations, que celles-ci aient une visée commerciale ou non. Les internautes se saisissent déjà des licences libres et Creative Commons pour diffuser leurs créations du quotidien (photos depuis un téléphone portable, vidéo, etc...).
A chacun de Faire ou de Recevoir, le copyleft embrasse la culture par tous..
Chaque époque offre ses opportunités ; il y en a une pour la notre - dont le nom est Copyleft - et nous serions bien aveugles de ne pas la voir et très insensés de la laisser passer.