C'était JLG en mai 2010 ?
[ARCHIVE] Cet article a été initialement publié le 01/07/2010 sur le site kassandre.org, il est reproduit ici pour archive suite à la fin d'activité du collectif Kassandre en Juillet 2012.

"Le droit d'auteur ? Un auteur n'a que des devoirs !" - JLG
C'était en mai 2010, dans une interview au Inrocks, où il va même plus loin : "Je suis contre Hadopi, bien sûr. Il n’y a pas de propriété intellectuelle. Je suis contre l’héritage, par exemple. Que les enfants d’un artiste puissent bénéficier des droits de l’oeuvre de leurs parents, pourquoi pas jusqu’à leur majorité… Mais après, je ne trouve pas ça évident que les enfants de Ravel touchent des droits sur le Boléro…"
Puis il précise : "Il ne devrait pas y avoir de propriété des oeuvres. Beaumarchais (qui a défendu le droit d'auteur et créé la SACD, ndlr) voulait seulement bénéficier d’une partie des recettes du Mariage de Figaro. Il pouvait dire « Figaro, c’est moi qui l’ai écrit ». Mais je ne crois pas qu’il aurait dit « Figaro, c’est à moi ». Ce sentiment de propriété des oeuvres est venu plus tard. Aujourd’hui, un type pose des éclairages sur la tour Eiffel, il a été payé pour ça, mais si on filme la tour Eiffel on doit encore lui payer quelque chose."
Godard pousse même l'audace un peu au delà, il affirme ne pas être dérangé le moins du monde si on utilise des images de ses films dans d'autres créations, d'ailleurs pour "Film Socialisme" il l'a fait lui même en utilisant à la fois des images trouvés sur Internet et des images provenant de d'autres films : Cheyennes de John Ford, Plages d'Agnès d'Agnès Varda. Ce qui est formelement interdit, mais il s'en défend : "Ce plan n’est pas une citation, je ne cite pas le film d’Agnès Varda : je bénéficie de son travail. C’est un extrait que je prends, que j’incorpore ailleurs pour qu’il prenne un autre sens".
À n'en pas douter Agnès Varda se s'offusquera pas si Jean-Luc Godard met à l'honneur quelques unes de ses images, c'est moins évident si quelqu'un d'autre le fait. C'est pourquoi notre choix des licences libres apparaît d'autant plus pertinent. Les licences libres sont des contrats par lesquels l’auteur s’entend avec le public sur des libertés de partage et de ré-utilisation, et sur les conditions de celles-ci. Concrètement, cela signifie que l’auteur d’une œuvre, donne d’avance au public des droits concernant l’utilisation de son œuvre : au minimum le droit de copie et de redistribution (certaines licences Creative Commons restrictives) et au mieux le droit de transformer l’œuvre pour créer une œuvre dérivée.
Ce sont des licences qui permettent d'accompagner la diffusion des oeuvres en préservant les droits de l'auteur et en protégeant la liberté de partage du spectateur. Car s'il y a des devoirs d'auteurs, celui de protéger cette liberté du spectateur est un des premiers.
Nous pensons que pour notre époque, c'est à dire à l'heure d'Internet, c'est pour la diffusion des oeuvres une solution de bon sens. D'abord parce que c'est la nature même d'Internet : comment peut-on envisager d'offrir la facilité technique de copier (Ctrl+C, Ctrl+V) tout en maintenant l'interdiction légale de le faire?
Ensuite, parce que c'est aussi admettre que tout n'est que copie et ré- interprétation, que si on ne copie pas on ne crée pas. Ce n'est d'ailleurs pas quelque chose dont nous avons à rougir, c'est ainsi que va le vent et que "l'art est un jeu entre tous les hommes de toutes les époques" (Duchamp).
Non seulement Télécharger n'est pas voler, mais copier n'est pas nuire et transformer n'est pas détruire. Cela fait du bien aux oeuvres d'être vues, et donc d'être copiées. Et transformer une oeuvre pour en faire une oeuvre dérivée ne dépossède pas l'auteur original de sa création. Toute modification s'applique évidement sur une copie et n'altère pas la création d'origine qui continue d'avoir son existence propre.
En somme Godard trouverait dans les licences libres des réponses à ses revendications. Nous avons déjà fait ce choix pour partager nos films, et nous pensons qu'il va se généraliser car il est le plus proche des pratiques et des évidences d'aujourd'hui.