Quand Luc Besson s'en prend à Kassandre !
[ARCHIVE] Cet article a été initialement publié le 15/03/2009 sur le site kassandre.org, il est reproduit ici pour archive suite à la fin d'activité du collectif Kassandre en Juillet 2012.
Quand Luc Besson s'en prend à Kassandre, on se fait une joie de lui répondre ! Il semble que Luc Besson n'a pas bien digéré notre article 'Luc Besson fait de l'humour' et nous adresse une de ses leçons de morale qu'on lui connaît et s'embourbe dans une argumentation déconnectée et anachronique comme à son habitude.
Ca s'est passé sur Facebook :
Luc Besson : "Kassandre prod ferait mieux de cliquer sur mon lien (jaimelesartistes.fr ndlr.) et de se renseigner avant d'écrire des absurdités ! Un film gratuit c'est un film mort ! Sans recettes il est impossible de lever les budgets pour développer les meilleurs projets et convaincre les investisseurs ! Je veux bien que le prix d'une place de cinéma soit chère mais ce n'est pas une raison pour voler une oeuvre ! On ne vole pas les tableaux au Louve il me semble ! Je le dis comme je l'ai dit sur canal+ Samedi lors de mon interview chez Mll Roulier : La France est le premier pays pirate au monde devant la Chine et les Etats-Unis ! C'est comme le développement durable cette affaire c'est aux gens d'en prendre conscience et d'arrêter de changer leurs habitudes si ils veulent voir durer le cinéma !"
En premier lieu, et pour mieux resituer le débat, il convient de ne pas confondre. Chez Kassandre ce n'est pas le 'film gratuit' que nous défendons, c'est le film libre. Entendre par là un film dont les auteurs et producteurs autorisent et encouragent le téléchargement, la copie, la redistribution et dans certains cas la transformation. Ceci dans le respect total du droit d'auteur grâce aux licences Art-Libre et Creative Commons.
Ainsi, il est quelque peu pénible de se voir taxer de 'vol', c'est même particulièrement déplacé car nous avons toujours défendus les artistes ayant fait le choix de distribuer librement leurs créations. Et nous défendons ces artistes car nous pensons ce choix particulièrement pertinent et en totale adéquation avec notre époque. Notre démarche est parfaitement légale !
"Gratuit" n'est pas "Libre" cher collègue, et réciproquement. Bien évidement un film libre est diffusé gratuitement sur Internet, mais ça serait bien réducteur de croire que cela s'arrête là. Nous convenons qu'un film coûte cher, qu'il faut le financer, et nous en savons quelque chose car cela est bien plus difficile pour des petits producteurs comme nous que pour vous M. Besson.
Ainsi, la démarche de Kassandre est depuis le début d'engager des débats et réflexions autant avec les professionnels du cinéma qu'avec le public. Ceci pour poser les bases d'un nouveau modèle économique pour le cinéma, au profit des artistes ET du public. La Grande Enquête que nous avons ouvert il y a peu va dans ce sens.
Mais avant de parvenir à ce nouveau modèle économique, il convient de faire les choses dans l'ordre :
D'une part il faut souligner les vrais malaises du cinéma français aujourd'hui, ainsi que les pointe très bien l'alarmant rapport du Club des 13 : La perte d’influence du producteur, (au profit, notamment, des chaînes de télévision), La bipolarisation dramatique dans la production, Le formatage des scénarios (sur ce point vous êtes connaisseur n'est-ce pas ?! ), la prédominance sur les écrans d’une poignée de comédiens jugés "incontournables", etc...
D'autre part, il faut prendre acte que le téléchargement est désormais une pratique de société, qu'il est inutile et contre-productif de vouloir freiner par quelque moyen que ce soit, technique ou législatif. Nous défendons pour notre part un modèle ou le téléchargement peut être utilisé à profit pour les artistes et le public.
Des solutions pour que le cinéma s'adapte à notre époque et à ses pratiques nous en avons quelques unes en stock, (et le but de notre Grande Enquête est de faire ressortir celles qui font consensus), par exemple nous proposons de revaloriser la sortie en salles, c'est à dire de ne plus l'utiliser comme vous le faîtes : comme simple produit d'appel pour vendre des DVDs et préparer la sortie TV.. Pour aller dans ce sens nous pensons que la sortie simultanée d'un film en salles et sur Internet sous licence libre va propulser le nombre d'entrées. (Voir les exemples cités dans notre article qui vous a fait réagir : "Luc Besson fait de l'humour"). D'autre part, vous semblez vouloir éviter de reconnaître qu'au vu des résultats des entrées en salles ces dernières années, on ne peut pas vraiment affirmer que le téléchargement est nuisible sur cet aspect (voir notre article "On vous l’avait dit...").
Il y a des solutions, c'est certain, encore faudrait-il avoir le désir de s'y intéresser pour les concevoir. Au lieu de ça, Vous vous réfugiez derrière ce sophisme désespérant : "arrêtez de voler des scooters sur Internet".. et dans des chiffres douteux (voir cet article du Monde qui révèle que les chiffres sur piratage ont été multipliés par 12.), dans des les lois (DADVSI en 2006, HADOPI en 2009) qui font la chasse aux internautes (lorsque c'est propre public que vous attaquez, vous pouvez vous attendre à ce qu'il vous renvoie l'appareil) et qui piétinent nos libertés...
Mais quelque part, on vous comprends, le modèle que vous défendez est tellement lucratif pour vous qu'il est normal que vous le défendiez, même si c'est la diversité et les 95% d'autres artistes qui doivent en payer le prix..
A force de produire des films tellement formatés et vidés de tout regard sur notre temps, c'est à coté de notre époque que vous êtes en train de passer.
Maintenant qu'elle sera votre réaction à la lecture de cet article ? Toutes les vérités ne sont pas bonne à entendre, allez-vous nous attaquer ainsi que vous l'avez fait dans l'affaire Brazil, la dernière fois que quelqu'un a osé émettre un point de vue divergent du votre?
Affaire à suivre...
NB : Suite à cet article, Luc Besson nous a offert une nouvelle démonstration de son déni de réalité maladif en décidant de supprimer défintivement son compte facebook pour éviter les critiques. (Détails sur numerama)